THE PRELUDE THE HOURS THE KISS THE END

 — Tarek Lakhrissi

du 09.09.2023 au 07.10.2023

Communiqué

Je me demande - a? l'instant - si une histoire de la sculpture centre?e sur l'ide?e de "part manquante » reste a? e?crite. Je pense, d’abord, aux corps ampute?s du Louvre. Mais j'ai e?galement commence?, re?cemment, a? devenir plus curieux des outils et des armes “manquants” dans la sculpture figurative : une Athe?na sans sa lance a? l'e?cole des Beaux-arts de Bordeaux par exemple, ou, plus spe?cifiquement, l’He?rakle?s archer (1909) sans fle?che d'Antoine Bourdelle, que j'ai re?cemment rencontre? au Muse?e Bourdelle. La pratique sculpturale de Tarek Lakhrissi est, elle, remplie de fragments de corps (langues, cornes, queues, griffes, dents et ailes) et d'armes (lances et fle?ches, entre autres).


Son arsenal, qui assume le de?coratif pour mieux se?duire, pourrait donc appartenir aux soubassements imaginaires d’un muse?e, le reflet ne?gatif d'une dimension ou? toutes les armes ont e?te? de?pose?es – contraints et force?s –, faisant des expositions de Lakhrissi les entrepo?ts d'une re?volution queer a? venir, qui pourrait prendre la forme d’une danse nihiliste vers l'immortalite?. Regarder les sculptures de Lakhrissi comme les te?moins et vestiges de corps et sujets qui ont e?te? syste?matiquement et historiquement rendus impuissants, c'est inscrire sa pratique dans un acte de re?paration poe?tique, un geste qui trouve sa forme et son charme dans l'e?quilibre minutieux ne?gocie? entre abstraction et figuration, ornement et menace, inertie et mouvement.


J'ai pu voir Tarek installer son travail a? plusieurs reprises maintenant. Une des premie?res fois e?tait a? DOC (Paris) en 2018, pour une exposition collective dont j’e?tais le commissaire et qui s'intitulait "Le Colt est Jeune et Haine" (un titre pense? comme une arme linguistique). Pour cette exposition, Tarek a produit sa toute premie?re sculpture (casse?e). Plusieurs e?le?ments de sa grammaire e?taient de?ja? pre?sents : du textile (latex) comme peau (noire) ; de la poe?sie fuyant la page blanche ; ainsi que des fragments (d'un pot de?core?). Coince? entre les œuvres de Ligia Lewis et d'Atie?na Kilfa et pose? sur la poussie?re de bois d'Olu Ogunnaike, le texte se lisait comme suit : " I SEE YOU NOW AND I AM NOT AFRAID ANYMORE" (Je te vois maintenant et je n’ai plus peur”), qui transformait la sculpture en un objet capable de vous regarder au moment me?me ou? vous posiez les yeux dessus.




Je propose de saisir cette phrase-poe?me-formule, de l'utiliser comme un filtre pour regarder la pratique de Tarek dans son ensemble : ses sculptures, ses films, ses performances et sa poe?sie. Je trouve particulie?rement fertile de regarder l'ensemble de l'œuvre de Tarek comme une œuvre qui ne se donne pas seulement a? l'œil et a? l'oreille, mais qui nous voit, parfois de manie?re plus conflictuelle que d'autres, pour nous aider a? nous voir nous-me?mes. Cette hypothe?se nous aide a? percevoir les sculptures de Tarek comme des e?crans et des miroirs, sur lesquels sont tisse?s des re?cits qui nous sont ensuite renvoye?s : des sculptures conc?ues comme des films, ou pluto?t fonctionnant de manie?re cine?matographique dans leur rapport a? la construction de la subjectivite?. Inversement, les films de Tarek ont e?galement des qualite?s sculpturales qui peuvent e?tre localise?es dans le sce?nario, la fac?on dont les images sont conc?ues ainsi que dans le montage.




Isaac Julien, dans un texte intitule? "Mirror" ouvrant le livre d'artiste publie? en 2017 a? l'occasion de son exposition chez Victoria Miro a? Londres, revient sur le processus ayant conduit a? la re?alisation de son film pre?curseur de 49 minutes Looking for Langston (1989):


"Si vous re?alisez un long me?trage de fiction, vous reprendrez les codes narratifs et tout ce que vous avez de?ja? vu dans le monde du cine?ma dominant. Votre sce?nario sera essentiellement centre? sur les personnages. Mais cette me?thode de travail est totalement diffe?rent de l'approche que j'ai utilise?e pour Looking for Langston. La?, tout a e?te? de?veloppe? a? partir de fragments, des fragments de recherche provenant d’archives.”


Tarek et moi, de manie?re non synchronise?e, avons pu voir la re?trospective d'Isaac Julien a? la Tate Britain (Londres) qui a eu lieu du 26 avril au 20 aou?t (2023). Avant d'entrer dans le couloir menant a? la salle de projection de Looking for Langston, il y avait un mur rempli de photographies d'hommes en amour et, au fond, une vitrine contenant divers documents d'archives. Dans le coin supe?rieur gauche se trouvait un storyboard dessine? par l'artiste John Hewitt. C'est la? que l'on pouvait se rapprocher de ce que signifiait re?ellement pour Isaac Julien la composition de film par fragments: alors que les storyboards sont ge?ne?ralement compose?s a? partir d'une grille rigide, remplis, a posteriori, de dessins, ici le dessin d'une sce?ne remplissait d'abord une page entie?re, et ce n'est qu'ensuite que les diffe?rents "cadres" e?taient appose?s sur celui-ci, parfois en se chevauchant.


Et si les bas-reliefs produits pour "THE PRELUDE THE HOURS THE KISS THE END" avaient e?te? compose?s selon une me?thodologie similaire ? D'une certaine manie?re, ils pourraient e?tre perc?us comme des storyboards - jetant un pont entre toutes les dimensions de la pratique de Tarek -. Si tel est le cas, ces oeuvres re?sulteraient donc d'un mouvement de zoom arrie?re s'e?loignant des œuvres sculpturales de Tarek. Des fragments de fragments.


– Cédric Fauq




Avec le soutien aux galeries /exposition du Centre national des arts plastiques

Vue d'exposition
THE PRELUDE THE HOURS THE KISS THE END
du 09.09.2023 au 07.10.2023 , Galerie Allen
Vue d'exposition
THE PRELUDE THE HOURS THE KISS THE END
du 09.09.2023 au 07.10.2023 , Galerie Allen
Vue d'exposition
THE PRELUDE THE HOURS THE KISS THE END
du 09.09.2023 au 07.10.2023 , Galerie Allen
Vue d'exposition
THE PRELUDE THE HOURS THE KISS THE END
du 09.09.2023 au 07.10.2023 , Galerie Allen
Tarek Lakhrissi
THE PRELUDE, 2023
Résine, polystyrène, bois, peinture
110 x 90 x 9 cm
Photo : Aurélien Mole
Courtesy the artist and Galerie Allen, Paris
Tarek Lakhrissi
Tarek Lakhrissi
THE HOURS, 2023
Résine, polystyrène, bois, peinture
110 x 90 x 16 cm
Photo : Aurélien Mole
Courtesy the artist and Galerie Allen, Paris
Tarek Lakhrissi
Tarek Lakhrissi
THE END, 2023
Résine, polystyrène, bois, peinture
70 x 50 x 25 cm
Photo : Aurélien Mole
Courtesy the artist and Galerie Allen, Paris
Tarek Lakhrissi
Tarek Lakhrissi
THE KISS, 2023
Résine, polystyrène, bois, peinture
50 x 40 x 5 cm
Photo : Aurélien Mole
Courtesy the artist and Galerie Allen, Paris
Tarek Lakhrissi
Tarek Lakhrissi
...HURTS ME SO BAD I LOVE IT, 2023
Verre souflfé
33 x 20 x 11 cm
Courtesy the artist and Galerie Allen, Paris
Tarek Lakhrissi
Tarek Lakhrissi
BABY BOWSER, 2023
Verre souflfé
21 x 19 x 17 cm
Photo : Aurélien Mole
Courtesy the artist and Galerie Allen, Paris
Tarek Lakhrissi
Tarek Lakhrissi
MOTHER OF DRAGONS, 2023
Verre souflfé
39 x 16 x 14 cm
Photo : Aurélien Mole
Courtesy the artist and Galerie Allen, Paris
Tarek Lakhrissi